La marche sur le feu est une
tradition en Polynésie qui remonte à la nuit des temps. Celle-ci avait une
fonction et un intérêt bien particuliers dont le point de départ est le umu
ti qui consiste à cuire dans un four traditionnel des ti ,racines de
auti (Cordyline
fructicosa), pour se prémunir de la saison sèche, matari î i raro,
qui dure de mai à novembre. Ainsi cuits, les tubercules de ti pouvaient
être conservées pendant de long mois, permettant à la population de faire face
à la disette.
Dans certaines îles polynésiennes,
une marche sur le feu précédait la cuisson des ti. Elle servait à
vérifier la présence des dieux, qui avaient la réputation de se retirer pendant
le matari’i i raro.
Si les tahu’a (prêtre) parvenaient à marcher sur les pierres de lave
chauffées à blanc sans se brûler, cela signifiait qu’ils avaient toujours le mana
(le pouvoir) nécessaire à la réussite de la cuisson des ti. .
Avant chaque préparation du four, je
jeûne durant la semaine qui précède, précise le grand prêtre, Raymond
Teeriierooiterai Graffe. Je me retire dans la montagne pour cueillir les auti
sacré et communier avec les dieux ». Ce rituel est, selon lui,
indispensable au bon fonctionnement de la marche sur le feu. Le choix de la
date de la marche sur le feu est dicté par le calendrier lunaire polynésien,
certaines nuits étant bénéfiques et d’autres maléfiques.
La fosse du four, d’environ 8 m sur
2,50 m de large et 0,50 m de profondeur, est remplie de bois de ati (Tamanu)qui
a la particularité de dégager une grande chaleur et de se consumer très
lentement, puis les braises incandescentes sont recouvertes de pierres
volcaniques. Le jour convenu, le four est allumé à 6h00 du matin pour que
les pierres soient à bonne température à 18h00. A ce moment, la température au
fond du four avoisine les 4500° mais baisse à 1300° sous la dernière pierre.
Sur la dalle de marche, la température varie de 640° à 1200°.
La cérémonie débute avec des danses
incantatoires, puis le grand prêtre entre en scène en
« balayant » les pierres avec des feuilles de auti
sacré. Ensuite, les disciples sont invités à traverser la fournaise et à
se purifier ainsi le corps et l’esprit.
Le feu est un élément destructeur et
de transformation qui a des bienfaits sur l’homme, explique Raymond
Teeriierooiterai Graffe. L’énergie acquise durant ce cheminement sur les
braises se transmet dans notre vie quotidienne et dans notre environnement.
Cette expérience ne comporte en
principe aucun risque, à condition de respecter quelques règles : il ne
faut pas avoir bu d’alcool depuis la veille, les femmes qui ont leurs règles
peuvent assister à la cérémonie mais ne doivent pas traverser te four, et il ne
faut pas parler ni se retourner une fois que l’on a commencé à marcher sur la
fournaise.
La marche sur le feu est la seule
forme de culture polynésienne qui n’a jamais été dénaturée par l’occident.
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